beat poet
Durant les années 50, un groupe de gamins s’attaque aux valeurs de l’Amérique. Leur arme : la littérature. Et au sein du mouvement, de nombreuses femmes, dont la plus célèbre est sans conteste Diane di Prima.
Plongeons-nous dans la vie d’une artiste trop méconnue.
The only war that matters is the war against IMAGINATION
RANT, Diane di Prima
Diane di Prima voit le jour en 1934 à New York.
À son époque, la société étouffe les femmes. On attend d’elles qu’elles deviennent des épouses & des mères, rien d’autre.
En révolte de nombreuses jeunes filles fuieront pour adopter la culture underground. Liberté sexuelle, rejet du matérialisme, elles se créent une vie à leur mesure mais le quotidien n’est pas plus doux pour autant. Les hommes les relèguent aux tâches ingrates & refusent de reconnaître leur art. Diane di Prima sera l’une des rares à s’y tailler une place.
Carolyn Cassady
Épouse de Neil Cassady et maîtresse de Jack Kerouac, elle aura connu les deux avatars du mouvement beatnik. Son livre Sur ma route est un contrepoint essentiel à l'œuvre de ses amants.
Ruth Weiss
Sa famille fuit la Pologne et l'agression nazie lorsqu'elle est encore très jeune. Elle a contribué à rapprocher les univers de la littérature et du jazz, ouvrant la voie à toutes les expérimentations.
Janine Ponny Vega
Adolescente au moment où les beatniks se dévoilent, elle choisit de rallier leur mode de vie et de consacrer sa vie à la poésie et aux voyages.
Elise Cowen
La tragédie d'une femme brillante et douce. Ses parents la font interner dans l'espoir de contrôler ses pulsions de révolte. La jeune femme se défenestre à 29 ans. Sa famille brûlent presque tous ses poèmes.
Lenore Kandel
Une partenaire de Diane di Prima. Force de la nature, elle savait se faire respecter même des hommes. Son oeuvre mêle divin et sexualité, ce qui lui amènera plusieurs procès pour obcénité.
Jay Defeo
En tant que peintre elle gardait ses distances avec le reste du mouvement, mais ses toiles témoignent d'un esprit tout aussi aventureux et libre.
Joyce Johnson
La plus grande romancière beatnik. Sa prose ouvre une fenêtre sur le coeur de ce monde, elle dévoile l'insouciance et l'aliénation de ses frères d'arme qui souffrirent du succès.
Hettie Jones
D'abord une éditrice hors-paire, elle se met à l'écriture avec beaucoup de talent et d'esprit. Ses livres pour enfants lui ont rapporté plusieurs prix.
Jan Kerouac
Fille unique de Jack Kerouac, elle en est la digne héritière, malgré qu'ils ne se soient presque jamais vu. Sa frénesie de voyage aurait eu de quoi faire pâlir n'importe quel baroudeur beatnik. Malheureusement elle décède à l'âge de 44 ans d'une défaillance reinale.
La vocation de Diane est précoce. Dès sept ans cette demoiselle de bonne famille écrit des poèmes. À l’aube de l’âge adulte, Diane s’immerge dans la contreculture & instaure une correspondance avec certains des grands poètes de son temps, entre autres Ezra Pound & Allen Ginsberg.
Sa décision dès lors est prise, elle se consacrera à la poésie. Direction Greewich Village à New York, berceau du futur mouvement Beat.
and so young women here's the dilemna itself the solution : I have always been at the same time women enough to be moved to tears and man enough to drive my car in any direction
Hard Drive, Hettie Jones
Les trois amis à l’origine de la Beat Generation se nomment Jack Kerouac, Allen Ginsberg & William Burroughs.
Même si par abus de langage le terme « beat » regroupe des dizaines d’auteurs, aucun n’a marqué la littérature avec autant de force. De nos jours ils incarnent encore l’esprit beat auprès du public.
Jack Kerouac
Allen Ginsberg
William Burroughs
Concernant les écrivaines, elles devront attendre la fin du vingtième siècle avant de recevoir l’attention qu’elles méritent. Diane di Prima a eu plus de chance : d’emblée ses premières publications lui valent la reconnaissance de ses pairs.
Voici un résumé de ses années beatnik.
Le succès du roman Sur la route, de Kerouac, propulse la Beat Generation sur le devant de la scène.
Pour le moment Diane expérimente. Elle noue des relations, écrit, dort dans les parc ou chez des amis. Parfois elle gagne sa vie en posant pour des peintres.
Diane di Prima donne naissance à son premier enfant & publie un premier recueil, That Kind of Bird Flies Backward. Sa renommée grandit.
Outre sa poésie, l’auteure s’implique en tant qu’éditrice.
Avec son complice LeRoi Jones (plus tard appelé Amiri Baraka), elle lance The Floating Bear, un magazine par correspondance où passeront des vedettes du mouvement, William Burrough en tête.
Mais tenir un ‘zine n’est pas de tout repos, loin de là. Voyez plutôt. Le contenu , aussi qualitatif soit-il, ne plait pas aux agents fédéraux. Il attire aussi très vite l’oeil de gens mals intentionnés, qui croient que l’art se doit d’être propre. Il reçoit l’attention de ces pisses-froids, qui en appelent à la censure. Il est était ainsi à l'époque. Des gamins, incapables de reconnaître le génie.
Durant des années, les tribunaux harcèleront le couple pour obcénité. À terme, la jeune femme remporte ses procès, mais les frais de justice ont fait fondre sa trésorerie.
La seconde moitié des sixities est alors synonyme de voyage : un ashram dans l’État de New York ; l’expérience psyché auprès d’une communauté hippie ; ses enfants, un van Volkswagen et la route.
Le trajet prend fin à San Francisco, où Diane vit encore de nos jours.
En ville la poétesse intègre les Diggers, un groupe d’activistes s’opposant au matérialisme de la société. Ils organisent des distributions de nourriture, éditent des pamphlets & aident d’autres mouvements.
Ensemble les Diggers habitent une maison dans laquelle logent de nombreux révolutionnaires & hors-la-loi. Des partisans des Black Panthers s‘y réfugient, ce qui déchaîne un harcèlement de la part du FBI.
Un an plus tard, des agents viennent frapper à la porte chaque matin. Diane préfère s’en aller.
IT’S NOT A “GENERATION” DIG — IT’S A STATE OF MIND A WAY OF LIVING GONE ON FOR CENTURIES A WAY OF WRITING TOO “BEAT” POETRY’S OLDER THAN THE GROVE OF ACADEME OLDER THAN APOLLO OR PYTHAGORAS
Keep the Beat, Diane di Prima
À partir de 1980 débutent les « années Reagan » . L’économie se débride, conformisme & matérialisme reviennent en force.
Chez les beatniks, le feu s’éteint. Kerouac est mort en 1967, Ginsberg s’efface peu à peu du paysage à l’instar d’une grande partie du mouvement. Seul William Burroughs maintient sa présence, en partie grâce à l’influence de sa vision au sein de la communauté musicale.
De son côté Diane di Prima a délaissé l’activisme depuis le début des seventies dans l’espoir de se recentrer sur elle-même & de creuser deux de ses passions : l’occulte & le spirituel.
Le but est d'englober par ses connaissances l'entièreté de l'expérience humaine. Diane s'intéresse au Zen, au bouddhisme, à la tradition des alchimistes, etc.
En parallèle à sa quête de vérité, Diane enseigne la poésie et l’art de la guérison.
Et peu à peu le monde oublia les beatniks...
... jusqu’à ce que dans les années 90 un regain d’intérêt permette de déterrer l’héritage beat & en particulier la production féminine de cette génération.
Leur regard distant/proche renvoit une image plus réaliste de leurs contemporains. On y découvre l’égoïsme, la mysogynie & la brutalité d’hommes qui, en ouvrant le champ des possibles, ont parfois perdu leur morale.
Diane di Prima n’a pas à s’inquiéter pour sa réputation. Son nom reste celui d’une artiste célébrée, quoique par un public d’initiés.
De nos jours Diane vit toujours à San francisco. Elle continue à écrire, entre deux parties de Worms Armageddon.
Small, pink, slimy yet frail Those worms I love, it never fails Moving the worms across the screen Defeat my opponents, through blood and scream Waking up in a cold sweat Those worms, those worms, I’ll never forget Beautiful squiggles of pink and brown If only I too were a worm in this town.
Worms, Diane di Prima
Au long de sa carrière Diane di Prima a publié plus d'une trentaire de livres. En voici les plus populaires.
That Kind of Bird Flies Backward
Memoirs of a Beatnik
Revolutionary Letters
Loba
1958
Son premier recueil publié propose une modernisation des thèmes romantiques du 19e siècle : lien à la nature, relation entre vérité et beauté, grandeur de l’artiste, etc.
Diane élargit le propos en y intégrant ses idées sur la féminité, et sa propre place dans un monde d'hommes.
1969
Un des rares textes en prose de la part de Diane di Prima. Elle y relate les frasques sexuelles de sa jeunesse à Greenwich Village. Les expérimentations en tout genre, seule ou en groupe, se succèdent avec parfois un personnage connu en partenaire.
Hautement pornographique, ce roman doit être lu avec du recul car l’écrivaine déforme souvent les faits. Il a été écrit dans le cadre d’une commande, et a connu un petit succès.
1971
Mélanger philosophie & conseils pratiques pour la révolution, voilà le concept de ce livre. À l’intérieur Diane pointe l' ennemi de l’humanité : la civilisation. La poétesse prône un retour à une forme de société plus simple, tribale.
Aujourd’hui, pareilles idées se retrouvent au sein de la communauté écolo radicale (voir les travaux de Derrick Jensen & du collectif Deep Green Resistance.)
1973 (part 1)
À la façon de Homère, Diane retrace ici sa propre histoire de la Femme sous la forme d’un poème épique. Elle y fait intervenir de nombreux personnages, comme la Vierge Marie ou Perséphone.
Cet ensemble dessine l’image de Loba, la déesse-louve, avatar de la femme-mère, créatrice et guerrière.
Diane di Prima a prolongé le poème plusieurs fois au cours des années. Elle le considère comme un work in progress permanent.